Le Coton au Cameroun : Une Culture Riche d'Histoire

I. Des Origines Locales à la Culture Intensive: Une Histoire en Plusieurs Actes

Avant l'arrivée des colonisateurs‚ le Cameroun possédait une connaissance indigène du coton. Des variétés arbustives‚ comme lesùgud chez les Dii‚ étaient cultivées et utilisées localement pour la confection de textiles‚ témoignant d'une longue tradition artisanale. Cette culture‚ souvent intégrée à des systèmes agricoles diversifiés‚ contrastait fortement avec la culture intensive qui allait suivre.

L'introduction du coton comme culture de rente à grande échelle par l'administration coloniale française marque un tournant majeur. À partir des années 1950‚ la Compagnie Française pour le Développement des Fibres Textiles (CFDT)‚ puis‚ après la nationalisation en 1974‚ la Société de Développement du Coton (SODECOTON)‚ ont joué un rôle crucial dans la structuration de la filière. Cette période a vu l'expansion rapide des superficies cultivées‚ notamment dans le Nord-Cameroun‚ accompagnée d'une intégration croissante dans les circuits commerciaux internationaux. L'objectif était clair : maximiser la production de coton pour l'exportation‚ souvent au détriment de la diversification agricole et de la souveraineté alimentaire.

L'histoire de la culture du coton au Cameroun n'est pas sans zones d'ombre. Le système colonial a imposé la culture du coton aux villageois‚ souvent comme moyen de paiement d'impôts‚ entraînant des contraintes et des injustices. Cette approche extractive a laissé des traces durables sur les structures agraires et les relations sociales. L'héritage de cette période continue d'influencer les dynamiques actuelles de la filière.

La création de la SCNCT (Société cotonnière du Nord-Cameroun et du Tchad) en 1927 et l'évolution ultérieure de la SODECOTON illustrent les différentes phases de développement de la filière‚ marquées par des changements de politiques‚ des investissements (parfois massifs)‚ et une adaptation constante aux fluctuations des marchés mondiaux. L'analyse de ces étapes permet de comprendre les forces et les faiblesses structurelles de la filière cotonnière camerounaise.

II. Réalité Actuelle: Une Filière Complexe et Contradictoire

Aujourd'hui‚ la culture du coton au Cameroun reste un secteur économique majeur‚ principalement concentré dans le Nord. Des centaines de milliers d'agriculteurs familiaux cultivent le coton sur des superficies moyennes d'environ 1‚2 hectare‚ avec des rendements moyens qui se sont stabilisés ces dernières années autour de 1‚3 tonne de coton-graine à l'hectare. Cette production‚ qui a connu des fluctuations importantes‚ contribue significativement aux revenus des ménages ruraux et assure une part importante de la sécurité alimentaire grâce à l'association fréquente du coton avec des cultures vivrières.

Cependant‚ la filière cotonnière camerounaise fait face à de multiples défis. Les variations climatiques‚ la dégradation des sols‚ les ravageurs et les maladies représentent des menaces constantes pour la production. Le prix du coton sur le marché international‚ soumis à des fluctuations importantes‚ impacte directement les revenus des producteurs. L'accès au crédit‚ aux intrants agricoles de qualité et aux technologies améliorées reste un obstacle pour de nombreux agriculteurs‚ particulièrement les plus vulnérables.

La SODECOTON‚ acteur central de la filière‚ joue un rôle ambivalent. Si elle a contribué au développement de la culture du coton‚ elle est aussi critiquée pour son monopole et son manque de transparence. L'équilibre entre les intérêts de l'entreprise et ceux des producteurs demeure un sujet de débat. La question de la juste rémunération des producteurs et de la répartition équitable des bénéfices au sein de la chaîne de valeur est au cœur des préoccupations.

La transformation locale du coton reste limitée‚ malgré les efforts pour développer l'industrie textile camerounaise. La majeure partie de la production est exportée sous forme de coton-graine‚ ce qui limite la valeur ajoutée générée au niveau national et les opportunités d'emplois. Le développement d'une industrie textile compétitive et intégrée est un enjeu crucial pour le développement économique du pays.

III. Perspectives d'Avenir: Vers une Filière Durable et Inclusive?

L'avenir de la culture du coton au Cameroun dépendra de la capacité à relever les défis actuels et à adopter des stratégies innovantes et durables. La diversification des cultures‚ la promotion de l'agroécologie et l'amélioration des pratiques agricoles sont essentielles pour renforcer la résilience des systèmes de production face aux changements climatiques et aux risques phytosanitaires. L'accès à des semences améliorées et à des technologies appropriées est également indispensable pour augmenter les rendements et la productivité.

Le renforcement des capacités des producteurs‚ l'amélioration de leur accès au crédit et aux marchés‚ ainsi que la promotion des coopératives agricoles sont des éléments clés pour une meilleure organisation et une plus grande équité au sein de la filière. La transparence et la participation des producteurs aux prises de décision sont également des conditions nécessaires pour assurer la durabilité et l'inclusion sociale de la filière.

Le développement de la transformation locale du coton est un enjeu majeur pour maximiser la valeur ajoutée et créer des emplois. Des investissements dans l'industrie textile‚ le soutien aux entreprises locales et la promotion de la qualité sont indispensables pour rendre cette industrie plus compétitive. L'intégration de la filière cotonnière dans les stratégies de développement rural plus globales‚ en tenant compte des aspects sociaux‚ environnementaux et économiques‚ est indispensable pour une approche plus durable.

Enfin‚ la recherche et l'innovation jouent un rôle crucial pour améliorer les variétés de coton‚ développer des méthodes de culture plus performantes et plus respectueuses de l'environnement‚ et adapter la filière aux défis du changement climatique. L'investissement dans la recherche et le développement est donc une condition sine qua non pour garantir la pérennité de la culture du coton au Cameroun.

En conclusion‚ la culture du coton au Cameroun est une histoire complexe‚ marquée par des succès et des échecs. L'avenir de cette filière dépendra de la capacité à construire un modèle plus durable‚ plus équitable et plus inclusif‚ qui prenne en compte les besoins des producteurs‚ les impératifs environnementaux et les objectifs de développement économique du pays.

tags: #Coton

Similaire:

Si tu le souhaites tu peux me suivre sur les réseaux sociaux et prendre ta dose de bienveillance et de bonne humeur.

Facebook / Instagram

Retour au blog

Laisser un commentaire

Veuillez noter que les commentaires doivent être approuvés avant d'être publiés.